« Le 18 janvier 2022, dans le cadre de la promotion de le Semaine de l’Entrepreneuriat, nous avons interviewé Baptiste Hélie, fondateur de C Clean. A l’initiative d’un projet innovant : une station de lavage mobile et autonome, Baptiste nous a partagé son expérience de création d’entreprise. Entre passions et difficultés, découvrez le parcours de Baptiste Hélie. »
Peux-tu te présenter ?
« Baptiste Hélie, 33 ans. Pour mon parcours scolaire, j’ai fait un bac pro vente (BEP Vente et Action Marchande) au lycée du Dolmen à Poitiers. Mon premier boulot a été d’être préparateur automobile pour la société Style Auto : je préparais les véhicules neufs et d’occasion, donc c’était du nettoyage automobile. Puis, j’ai travaillé pour GS27, c’est une société française très connue qui fabrique des produits d’entretien pour l’automobile. J’ai de bons souvenirs avec cette entreprise, j’étais animateur-démonstrateur et je donnais parfois des formations pour les vendeurs. Ensuite, j’ai voulu évoluer, mais ce n’était pas possible, donc j’ai monté ma propre entreprise. »
Quelles étaient tes motivations pour créer ta propre entreprise ? Comment as-tu eu l’idée de ce projet ?
« Ma motivation première était un peu personnelle, j’avais envie de montrer et de me prouver à moi-même que j’étais capable de gérer et créer quelque chose. Ça me trottait depuis un bon bout de temps et il y a eu un élément déclencheur : la fin de ma dernière expérience salariale. Je faisais beaucoup de déplacements, je n’avais plus véritablement de vie donc j’ai décidé de quitter cette entreprise et de monter la mienne.
L’idée m’est venue dès mes 18 ans, quand j’ai quitté Style Auto, j’avais déjà envie de me mettre en micro-entreprise. C’était tout nouveau à l’époque, donc il y avait très peu de gens sur ce marché. La simplicité des démarches qu’implique la micro-entreprise et sa fiscalité avantageuse m’attirait beaucoup. Entre ma passion pour l’automobile et la moto et mon côté maniaque à prendre soin de mes véhicules, j’ai eu l’idée de faire une station de lavage qui se déplace. J’ai donc transformé un utilitaire en station de lavage auto et moto très autonome : je produis moi-même l’électricité grâce à des panneaux solaires, j’ai une cuve d’eau pour laver les véhicules ainsi qu’une cuve d’air pour gonfler ou dépoussiérer. »
Quelles démarches as-tu dû entreprendre pour créer ta micro-entreprise ?
« Après avoir quitté mon ancien travail, je me suis retrouvé à Pôle Emploi et j’ai entendu dire qu’il proposait des formations payées par la Région pour renseigner les personnes qui souhaitent monter leur entreprise. Ma conseillère m’a donc dirigé vers un organisme privé, l’IFCG, j’ai donc eu une formation de 3 jours portant notamment sur l’aspect financier. J’ai appris de nombreuses choses comme le fait qu’en dessous de 36 000 euros de CA, je ne suis pas redevable de TVA et que le statut de micro-entreprise peut être conservé même si mon CA augmente. »
Quelles démarches as-tu entrepris pour créer ton entreprise ?
« Je me suis enregistré à la Chambre de Métiers et de l’Artisanat. »
As-tu touché des aides pour créer ton entreprise ?
« C’est très dur… Non. Je pense que l’on est mal renseigné, autant par Pôle Emploi que par l’IFCG. Il y a normalement plein d’aides pour démarrer son entreprise, mais ma demande auprès de la Région a été refusée. Bien que je produise de l’électricité « propre » par le solaire, au global, mon projet n’est pas 100 % éco-responsable. La réponse que j’ai reçue a été très dure à recevoir : ils m’ont expliqué que « même si mon activité et mon projet sont écologiques, Poitiers est un territoire non-vulnérable ». J’aurai donc dû me tourner directement vers Grand Poitiers et non pas la Région, c’est dur à entendre. J’ai donc trouvé des solutions de financement auprès de ma famille. »
Est-ce que tu conseillerais de se tourner vers Pôle Emploi ?
« Oui ! Il faut y aller, ne serait-ce que pour les formations qu’ils nous fournissent. J’ai un très bon échange avec ma conseillère. Mais aussi, parce qu’après les 3 jours de formation, l’IFCG peut continuer à nous accompagner, à nous aider à monter un dossier mais cela devient alors payant. Cette formation est une étape clé qui permet de montrer si on est véritablement motivé ou pas, car beaucoup d’éléments peuvent vite décourager. »
As-tu rencontré des problèmes pendant l’aboutissement de ton projet ?
« Entre l’idée et la création, il y a eu deux ans à cause de la Covid-19. Au lieu que ça prenne une année, cela a pris deux ans et cela fait partie des aléas de la création. Il n’y avait pas de rendez-vous pour les banques. En effet, les banques veulent un dossier bien monté, or il n’y a pas eu beaucoup de rendez-vous de banque. Je pense que mon dossier, personne ne l’a consulté. Donc, la première difficulté a été le confinement et la deuxième les banques. L’autre problème est que l’IFCG m’a conseillé d’apporter au moins 30 % de la somme demandée pour un prêt à la banque. La réalité c’est que j’ai dû apporter 50 % voir plus de 50 % de la somme. Avec le confinement, les démarches n’ont pas toujours été simples. Le traitement des dossiers est long. »
As-tu fait des concessions ? Est-ce important d’en faire ?
« Oui, pour réduire mes charges, j’ai dû vendre ma voiture et quitter mon appartement pour retourner vivre chez ma mère.
C’est important de faire des concessions car cela fait partie de la motivation. Je n’ai pas été motivé au début car je n’étais pas soutenu par ma famille. En faisant des concessions, j’ai pu montrer que j’étais capable et cela ne me dérangeait pas de mal gagner ma vie au début.
C’était important pour moi car c’est un vrai défi. »
Est-ce que tu peux dire que ton projet est une réussite ?
« Ce n’est que le début. Je suis surpris de la tournure que ça prend, de manière positive. Je suis en survie sur 2 principaux clients. En tout, j’ai 4 clients mais il y en a deux qui ne me font travailler que pendant la saison estivale de mars jusqu’à octobre. L’activité moto et auto sont catastrophiques en ce moment, la crise a atteint d’abord les véhicules neufs et cela atteint maintenant l’occasion. Les gens n’ont pas envie d’attendre des voitures neuves avec les délais qui s’allongent. Les clients se retournent vers l’occasion récente, ce qui crée une pénurie. Pour l’instant, mon activité n’est pas trop impactée mais là où je ne suis pas très content de moi, c’est que je n’ai que deux clients importants (une concession et un petit garage). Mon but premier était de faire des petits garages qui n’avaient pas de quoi faire du lavage automobile. C’est pour ça que c’était important pour moi d’être autonome. Finalement, je me retrouve avec une concession qui elle, a déjà une structure. Mon véhicule, je ne l’utilise pas beaucoup, je l’utilise pour le petit garage et je l’utilise aussi pour BMW Motorrad. J’ai aussi une auto-école qui me fait travailler de temps en temps. Je vis aujourd’hui grâce à la concession et au garage. »
Arrives-tu à vivre de ton entreprise ?
« Je ne sais pas trop. J’ai des crédits, par contre je n’ai pas de loyer. J’ai beaucoup moins de choses à payer car j’ai supprimé un maximum de charges possible. Malgré tout, j’ai un crédit pour mon entreprise et j’ai un crédit personnel. Je dois aussi parfois m’acheter du matériel, payer les assurances, mon téléphone… Cela me permet de payer ces choses-là. Cependant, il faut faire attention car je ne peux pas dépenser comme je le voudrais. »
Penses-tu qu’il est nécessaire qu’un projet entrepreneurial soit en lien avec une passion ?
« Oui. Quitte à gagner 1 200 €, je préfère le gagner par moi-même. J’ai toujours été dans l’automobile, quand j’ai été dans d’autres domaines cela ne m’a pas plu. Je me sens bien dans ce secteur. Ma passion est de nettoyer mes véhicules. Pour moi, c’était important parce que cela m’a permis d’être crédible. »
Est-ce que tu as un conseil pour une personne qui hésite à se lancer ?
« Il ne faut pas se décourager malgré toutes les difficultés. J’ai encaissé des refus de banques, le refus de subventions et les confinements, mais ça ne m’a pas arrêté, seulement freiné. Il ne faut pas abandonner et iI ne faut pas se précipiter. L’État ne fait pas de cadeaux, la première année c’est « YOLO[1] » car on ne prend que 11 % mais à partir de la deuxième année c’est 22 % du chiffre d’affaires. La trésorerie c’est très important.
Au début quand on est jeune on est très vif mais lorsqu’il y a un problème il faut voir si on est assez réactif et assez mature pour trouver des solutions. Pour moi, 30 ans ça a été le bon âge pour commencer mon entreprise et je suis content d’avoir acquis de l’expérience dans le domaine avant de la créer. »
« Il ne faut pas se précipiter, il faut être sûr de soi. »
Merci beaucoup pour cette interview.
On se retrouve la prochaine fois pour un autre article.
Interview de Baptiste HELIE.
Article rédigé par Alice MAGNEN et Pauline ANTUNES.
[1] You Only Live Once